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Interprofessionnalité ou interprovidence ?

GUIHARD Jean-Philippe

Mis en ligne le mercredi 18 septembre 2013 à 17h13, par guihard (Date de rédaction antérieure : 7 novembre 1999).

Résumé :

Prises en charge hoslitiques, globales, interdisciplinarité, pluriprofessionnalité sont des mots utilisés couramment dans les discours des soignants. Malheureusement, ils nous semblent ne pas correspondre à ce que devrait être une philosophie du soin car c’est oublier que le questionnement prime sur les vérités. Nous vous proposons de réfléchir sur des propositions de sens et de liens à tous ces concepts afin que le travail entre les différents corps professionnels ne soient plus vécu comme étant des lésions mais des liaisons.

Mots clés :

interprofessionnalité, pluriprofessionnalité, holisme, global

Article initialement publié dans le journal d’ergothérapie, vol. 21, n° 3, 1999, pages 91-95, 13 réf., ISSN 0249-6550, FRA

Interprofessionnalité ou interprovidence ?

Ce qui caractérise le monde la santé, au même titre que d’autre champs sociaux, ce sont les crises, les oppositions, les conflits, les ruptures, les contradictions. Ces événements qui ne sont que les universaux de la vie humaine, semblent peser sur le corps des ergothérapeutes. Être ergothérapeute ne semble pas un “métier facile” et à entendre les plaintes récurrentes sur les difficultés, il nous semble qu’elles émanent plus du sujet ergothérapeute que du professionnel. Cela voudrait-il pointer que le corps professionnel ergothérapeute n’existerait que dans les illusions de certains de ses membres ? Alors que la pluriprofessionnalité est garante de l’identité professionnelle, pourquoi le discours sur l’interprofessionnalité ne peut devenir au sein des institutions sanitaires ?
Une institution est une organisation complexe, hétérogène, un tout qui pourrait s’insérer dans une perspective holistique du soin, perspective qui n’est actuellement que fatuité. Beaucoup de professionnels du soin se réclament comme étant des preneurs en charge holistique du patient. Malheureusement c’est oublier qu’un corps professionnel ne sera jamais global car le soin, pour être, est toujours supérieur à la somme de ses éléments. Aujourd’hui, nous restons majoritairement dans une logique corporatiste du soin, et de facto, statique. Or, le soin se devrait d’être le mouvement de ses parties et non le simple agglomérât.

ECCE HOMO : L’homme est supérieur à la somme de ses capacités ?

Si nous voulons nous placer dans une optique d’équipe formée autour du patient, c’est-à-dire d’une organisation formelle qui serait respectueuse de la personne, il nous faut pointer la difficulté du soignant à se dégager de la cause et de l’effet, de l’analytique et du global, du geste et de la fonction, de la prise et de la préhension. Pourquoi voulons nous mettre à tout prix le patient au centre : pour le bâillonner, le soigner ou l’accompagner dans sa thérapie ?
Comment pouvons-nous arriver à poser cette mystérieuse équation qui ferait qu’enfin nous pourrions sortir du schéma réducteur, linéaire qui veut que toute cause soit relative à un effet qui lui-même induit des indications, que ce schéma soit linéaire ou en boucle, cette dernière n’étant qu’une droite tordue, que le serpent qui se mord la queue dans la mesure où nous pensons toujours en géométrie à deux plans. Comment pouvons-nous envisager les signes non pas en clinique, éléments élémentaires (doigt, plexus brachial…), ni en termes de globalité holistique qui ne repose en fait que sur une juxtaposition d’éléments mis bout à bout dans l’espoir de reconstruire le puzzle sans en chercher le sens ? Comment, enfin, pouvons-nous envisager de placer le patient au centre du dispositif de soin et que cela soit une réalité et non une fatuité ?

Pluri, inter professionnel

Nous utiliserons professionnel et non discipline compte tenu du fait que nous nous intéressons aux paramédicaux qui ne sont pas des disciplines médicales comme le sont la gynécologie, la neurologie, la psychiatrie…, mais des professions. Néanmoins, nous avons utilisé ce qui a été écrit sur l’interdisciplinarité car les concepts nous semblent être transférables. Pluri, multi, inter sont des préfixes usités dans tous les discours concernant le soin, chacun ayant un sens non précisé, certaines fois synonymes, d’autres fois antonymes… Ce ne sont que trop souvent des mots vides de contenus, d’actes, d’actions, de sens. Cette situation est liée aux spécialisations de chaque profession, à leur méthodologie, aux divergences politiques, philosophiques, stratégiques et à l’absence de l’être. En effet, le soignant, l’observateur se doit d’être dans sa démarche, il est impliqué de fait et il doit se placer en tant que partie de son objet, il doit travailler à la mise à mort de son objet en tant qu’objet réifié. L’objet engage celui qui s’y consacre, réfute l’objectivité, la rationalisation, le découpage arbitraire des sciences.

Pluriprofessionnalité

Nous envisageons le pluri professionnel comme la mise en commun de différentes spécialités, chacune gardant sa spécificité, ses compétences C’est une pratique existant depuis longtemps, résultat de la mise en commun de différents corps de métier, différentes entreprises afin de réaliser des objectifs. La pluriprofessionnalité garantie l’identité professionnelle car elle cloisonne, protège chacune d’elle. Chacun garde sa spécificité, ses caractéristiques, modifiant son environnement par rapport aux objectifs fixés ce qui place les professionnels comme étant juxtaposés, c’est-à-dire, les uns à côté des autres, dans un contexte de groupe secondaire.

Pluriprofessionnalité

Au niveau des structures de soins, les différents soignants et thérapeutes n’ont pas ou peu de relations entre eux et ne peuvent donc pas se réclamer d’une prise en charge globale ou holistique, chacun d’eux ne pouvant être le soin à lui-même. Il est en effet, inconcevable que l’on puisse se réclamer plus global que l’autre car nous sommes ce que spécifiquement l’autre fait de nous. Un soin n’est pas réductible à un corps professionnel et cette juxtaposition peut être inopérante car il n’y a pas de coordination ou d’articulation entre les différents professionnels. Cette absence de liens induit une difficulté à pouvoir mettre en place ses actions thérapeutiques efficientes, chacun mettant en place ces propres stratégies parallèles et propriétaires. Cette pluriprofessionnalité, si décriée et si présente, est parce que nous la concevons telle que nos sens, notre culture la pensent vraie. Il n’en demeure pas moins que nous pouvons penser autrement et nous engager dans une rupture qui seule, peut nous permettre de nous décentrer d’une vision égocentrique du monde.

Interprofessionnalité

L’interprofessionnalité est la création d’une nouvelle entité constituée de différentes professions, cette entité n’étant pas formellement existante mais transcendante des différences et des modalités. Elle participe à un saut philosophique et doit devenir le point d’accroche d’une nouvelle culture ouverte dans laquelle les soignants ne resteront plus propriétaires des formes qu’ils ont créées et qu’ils n’arrivent pas à remettre en question.
Comme le précise Jacques Ardoino [1], à propos de l’interdisciplinarité : « Dans le cas d’une équipe de recherche, on conçoit sans peine qu’un groupe interdisciplinaire ait plus de chances, que des chercheurs opérant individuellement, de multiplier des éclairages en maintenant les niveaux de chacune des compétences spécialisées voulues par une telle approche. Mais encore faut-il que ces chercheurs ne se trouvent pas simplement juxtaposés. Même convenablement organisés par un projet commun de recherche, ils doivent encore se montrer suffisamment polyglottes pour pouvoir effectivement comprendre et parler, un peu, eux-mêmes, les langages disciplinaires de leurs autres coéquipiers. Sinon, on en resterait à l’état du manteau d’Arlequin. »
Ce manteau n’est que du patchwork, de la juxtaposition et non du baroque, entendu le précise André de Peretti [2], comme « le clair-obscur : […] il n’y a pas de sombre qui ne contienne sa part de lumière et qui ne renforce la lumière et comme tu [Jacques Ardoino] le dis, gestaltrice, le fond et la forme ne sont pas séparables, c’est la non-séparabilité des choses hétérogènes. ».
Ceci induit que nous pouvons nous placer, non plus dans une logique explicative, analytique mais dans une perspective de compréhension. Ces deux logiques, que beaucoup cherchent à opposer, doivent se compléter, être en discours réciproque, dialogique afin que ces deux temps puissent être l’expression d’une réalité quotidienne tout en permettant l’émergence d’une pensée diachronique, source d’évolution, de projets, de vie. Il serait vain de vouloir ne considérer qu’un aspect de notre regard, il nous faut regarder avec une vision polyculaire, multiréférentielle. En effet, la complexité des situations ne tient pas aux objets observés, mais à notre regard. Nous nous situons dans un champ ou dans un autre, auteur de nos observations, acteur de ces situations. C’est donc dans cette interprofessionnalité que nous pourrions nous placer, position liée à cette impérieuse nécessité des regards multiples, des langages distincts mais non opposés, de discours pensés, construits, dénoncés, interprétés.

Interprofessionnalité

Nous nous trouvons dans un schéma radicalement différent de celui de la pluriprofessionnalité même si nous restons toujours dans un système fermé. Cette différence majeure nécessite que nous fassions un saut pour passer du premier au second. Ce saut est tout autant politique que philosophique car lorsque nous sommes dans le pluriprofessionnel nous ne pouvons pas glisser vers l’interprofessionnel car le premier ne contient que lui même étant un schéma autarcique. A l’inverse, comme l’interprofessionnel contient aussi le pluriprofessionnel, nous nous situons dans une autre perspective, un autre regard sur notre activité humaine et le passage de l’un à l’autre devient envisageable. Ce saut est engageant individuellement et collectivement pour l’institution et les équipes et ne peut reposer sur de simples considérations corporatistes. Il est le moyen pour que la prise en compte du sujet en souffrance puisse exister et induit des coordinations et des articulations entre les partenaires. Ce saut, cet engagement passe par l’interrogation, un questionnement qui ne doit pas être vide, sans signification. Comme le précise Cornélius Castoriadis, « pour avoir une interrogation qui fait sens, il faut déjà qu’on ait posé comme provisoirement incontestable un certain nombre de termes. Autrement il reste un simple point d’interrogation…[3] ». Or, parce que l’interprofessionnalité implique des interrelations, des interactions reposant sur des langues distinctes et des professionnels à minima polyglottes, ce questionnement peut permettre d’engager la création d’un concept de soin multiréférentiel.

L’interprofessionnalité implique des coordinations, des articulations pour pouvoir fonctionner car il s’agit, afin d’éviter un questionnement sans fin et vide, de mettre en place les conditions de ces échanges afin que les groupes primaires puissent devenir. Cela met en jeu les différents protagonistes qui se retrouvent confrontés à leur capacité à gérer les liens de dépendance, la frustration et l’angoisse liée à la perte phantasmatique du pouvoir sur soi et sur les autres. Ce n’est que par l’éducation des soignants à l’autonomie, c’est-à-dire à cette capacité de s’approprier ses liens de dépendance pour être, dans une autolimitation, sans crainte face au manque, à l’incomplétude liée au renoncement à la toute puissance. Il s’agit alors de permettre l’articulation, le mouvement, le jeu entre les différents partenaires et que ce jeu puisse être ludique et non élastique. En effet, ce jeu, cette liberté, parce que non élastique, nous autorise à tout faire tout en impliquant que l’on ne doit pas tout faire.

Nous inscrivons notre démarche dans l’interprofessionnalité telle que définie ci-dessus, et allons étudier ce que peut nous apporter le holisme.

Holisme

Le holisme est un concept repris dans les années 1920 en Afrique du Sud par J.C. Smuts et qui nous propose de penser la chose non pas comme un assemblage d’éléments (la somme), que cet assemblage n’est pas la cause de cette construction mais qu’il y a du sens dans les liens qui forment cette entité. L’univers a une forte tendance à construire des unités de complexité croissante résultant des processus d’évolution qui font que chaque adaptation d’un système induit un nouveau construit d’un niveau de complexité supérieur à son état précédent. Ainsi, comme le souligne Jacques Ardoino, La notion de « holistique, dérivé de holisme (épistémologie générale), désigne, en contestant l’atomisme, une position selon laquelle on ne peut comprendre les parties sans connaître le tout. Dans cette perspective, complexe devrait être soigneusement différencié de compliqué (cette dernière notion pouvant toujours admettre le caractère décomposable et réductible de ses objets) [2] ».
Nous tenons à cette précision afin de lever toute ambiguïté et affirmer notre désolidarisation complète envers les personnes qui utilisent le holisme afin de défendre, créer un totalitarisme sectaire, du new age et autres médecines douces à but inavouable.

Il y a trois principes fondamentaux à cette vision de nouvelles prises en charge. Nous les avons empruntés à la théorie des systèmes complexes telle que définie par Edgar Morin. Ce sont la somme, l’hologramme et la récursivité. C’est dans ces trois principes que nous pouvons trouver un début de réponse afin de dépasser un holisme qui ne s’est transformé qu’en un agglomérat de petits bouts plus ou moins élémentaires et qui essaierait de par cette simplification liée au découpage de rendre compte d’un Tout que serait l’homme.

Le système n’est rien d’autre qu’un objet que l’observateur pose comme étant un système, c’est-à-dire comme un ensemble d’éléments interdépendants, ne prenant sens que les uns par rapport aux autres, irréductible à leur unité et formant une totalité.
Nous passons notre temps à découper, affiner, à coller mais jamais à écouter, donner du sens à la vie de la personne que nous avons en face de nous. Nous faisons des projets de sortie, de retour à domicile, des projets de vie, des démarches de soin mais toujours chacun chez soi, avec une pseudo concertation pluri professionnelle et ce, parce que nous ne percevons pas que l’équation de départ est incomplète.
L’homme est supérieur à la somme de ses capacités, mais il est aussi et en même temps inférieur à la somme de ses capacités, en fait, il n’est que le résultat de cette différence. L’homme est supérieur car si nous agglutinons ses capacités, nous n’aurons toujours à la fin qu’une capacité, il est inférieur car dans chaque capacité se trouve l’homme en entier (principe de l’hologramme), chaque capacité produit l’homme et ce dernier est producteur de ses capacités (récursivité). Et comme il n’est ni supérieur ni inférieur, il n’y a plus de somme et donc plus d’élément à additionner et l’homme se trouve enfin libre. « Une totalité de l’existence a peu à voir avec une collection de capacité et de connaissance. Elle ne se laisse pas plus découper en partie qu’un corps vivant. La vie est l’unité virile des éléments qui la composent [4] ». Il faut donc voir l’homme comme autre chose qu’une somme d’actions individuelles.

Il ne s’agit pas non plus de parler de la prise en charge globale linéaire Déficit à Déficience à Handicap… mais bien de poser l’homme comme étant membre et producteur de son environnement, c’est-à-dire que c’est lui qui est porteur de handicap et nous devons nous intéresser à cette auto-production de déficit, déficience, handicap… L’homme handicapé n’est pas un fait, une situation car c’est lui qui engendre le handicap dans un mouvement dynamique. Un homme paraplégique n’est pas que paraplégique, il est aussi porteur de paraplégie de par son rapport au monde, de par les interactions, altérations sur cet environnement. On ne peut séparer l’homme de son trouble. Le trouble, la maladie n’est pas extérieure à lui, mais de lui, en lui, il en est le propriétaire, l’auteur, le metteur en scène et l’acteur, le juge et le jury, il est Jules César, seul responsable de son pouce… C’est dans cette dimension d’auteur de sa vie que le malade présentant des troubles psychiatriques se trouve en situation de ne plus être responsable de celle-ci, de ne plus en être le propriétaire. En effet, la maladie mentale est le reflet d’une perte d’autonomie, perte d’autorisation qui devient insupportable pour lui-même et-ou son entourage. Elle intègre un processus d’“ ôteur ” d’une partie de soi, processus qui ôte à l’individu sa possibilité d’être parmi les autres sans souffrance, qui lui retire cette capacité à pouvoir se reconnaître et être reconnu explicitement comme à l’origine de ses actes, de ses pensées. De même, si nous plaçons deux personnes paraplégiques face à un obstacle, elles ne réagissent pas de la même façon, l’une le franchit, l’autre peut-être pas. Cette production ne s’inscrit pas pour autant dans une dimension de maladie endogène, pas plus qu’elle ne saurait être exogène. La personne vit le trouble, le handicap de par le rapport qu’elle entretient avec elle-même, les autres et son environnement. Il va sans dire que ce rapport n’est pas en sens unique mais que, quelles que soient les adaptations proposées pour atténuer, supprimer les obstacles, c’est bien le sujet qui en dernier lieu sera en situation d’éprouver ses interactions, de donner un sens et une expression de ce sens.

Le holisme serait donc de penser l’homme comme un Tout non réductible et ouvert, l’homme qui est en mouvement, en action, en actes avec le reste du monde, producteur de ce reste et qui attend de nous que nous puissions appréhender ses référentiels afin de pouvoir, par le biais de cette reconnaissance, venir en interaction. Comment pouvons-nous être en interrelation avec la personne que nous regardons si nous restons avec nos propres référentiels, avec nos propres valeurs sans chercher à appréhender les clés que cette personne nous donne à voir, à entendre, à sentir, que ce Don soit explicite ou implicite. Il nous faut « accepter que le désir des autres ait le même droit à être satisfait [3] » que le notre et in fine, savoir, vouloir reconnaître le désir de l’autre. Si nous souhaitons que le malade soit au centre du soin, ou plus exactement, si nous voulons mettre en place les conditions pour que le malade se sente au centre de nos préoccupations, mais aussi des siennes, il s’agit de pouvoir entrer en communication en étant conscient de nos propres valeurs, de notre dépendance par rapport à elles et ainsi pouvoir, en regard d’une situation de soins complexe, mettre en interrelation le malade, nous et l’institution de soins. « L’être particulier, perdu dans la multitude, délègue à ceux qui occupent le centre, le souci d’assumer la totalité de "l’être". Il se contente de "prendre part" à l’existence totale, qui garde, même dans les cas simples, un caractère diffus [6] ». Il s’agit de regards, de points de vue qui font que seul le vécu du malade est important et l’expression de ce vécu doit pouvoir être entendue, interprétée par les différents soignants pour que le malade ne soit plus au centre, mais se sente au centre, au confluent des soignants et non plus satellite de ces derniers. Il va sans dire que cet exemple reste imparfait car lui aussi réducteur.

Conclusion

Nous ne souhaitons pas entrer en guerre de religion sur le global, le holisme tout en ne prônant pas une utilisation des néologismes sauvages, il est plus important de considérer qu’un soin devrait se suffire à lui-même. Au demeurant, nous sommes conscients que tous ces écarts sémantiques nous indiquent que nous sommes toujours dans une dichotomie de l’infini et du fini, de l’intemporel et du quotidien. Pourquoi autrement se battre, revendiquer comme étant un soignant qui soigne global, holistique, si ce n’est pour essayer d’asseoir une pratique, des projets de soins corporatistes qui ne sont pas in extenso centrés sur le patient car toujours relevant d’une catégorie de soignant. Comme nous l’avons précisé précédemment, nous ne devons pas penser dichotomie car cela revient encore à réduire, à opposer sans chercher à lier et comprendre ces oppositions afin de n’en faire qu’une représentation qu’un homme a de celle-ci.

Cet état de fait est lié à notre culture qui ne pense qu’en termes de découpage afin de tenter d’expliquer une réalité qui nous échappe, partant en quête de l’unité absolue, réificatrice du tout universel. Cela a pour unique conséquence de tout cloisonner, de rendre statique et de devenir myope, d’empêcher toute interprofessionnalité, chacun étant persuadé d’avoir la clé, le grimoire qui sera La solution pour guérir. Les soignants sont conscients – encore que – qu’il faut travailler ensemble, en équipe mais toujours par rapport à eux. Le soignant n’est pas le soin, pas plus que le malade n’est maladie, ce n’est que dans une récursivité qui voudrait que le soignant soit producteur de soins mais que ce soin soit aussi producteur de soignants que l’on pourra entrer en relation avec le système malade, homme porteur de la maladie qui elle-même est productrice de cet homme. Comme l’écrivait Georges Bataille : « Le désir de savoir n’a peut-être qu’un sens : de servir de motif au désir d’interroger. Sans doute savoir est nécessaire à l’autonomie que l’action - par laquelle il transforme le monde - procure à l’homme. Mais au-delà des conditions du faire, la connaissance apparaît finalement comme un leurre, en face de l’interrogation qui la commande ».

Bibliographie

[1] ARDOINO J., L’approche multiréférentielle (plurielle) des situations éducatives et formatives, in Pratiques de Formation-Analyse, université Paris VIII, Formation permanente, N°25-26, 1993,

[2] ARDOINO J, De PERETTI A., Penser l’hétérogène, Desclée de Brouwer éditeur, 1998

[3] CASTORIADIS C., De l’autonomie en politique : L’individu privatisé in Le Monde Diplomatique, février 1998, p 23

[4] BATAILLE G, Oeuvres complètes, Tome I, édition Gallimard, Paris, 198I

[5] BATAILLE G, Oeuvres complètes, Tome VI, La somme athéologique, édition Gallimard, Paris, 1986

[6] BATAILLE G., l’Expérience intérieure, édition Gallimard, Paris, 1976

GAGNEPAIN J, Du vouloir dire, tome III, édition De Boec&Larier, Bruxelles, 1995

HOLLIER D., Le collège de sociologie, Paris, édition Gallimard, Collection Folio /essai, 1995

LAPLANTINE F, Anthropologie de la maladie, Payot éditeur, Paris, 1986

MORIN E., Introduction à la pensée complexe, ESF éditeur, Paris, 1990

WINNICOTT D.W., Jeux et réalités, édition Gallimard, 1975

BANVILLE M, Les quatre grands principes de la complexité, L’Attracteur No. 2, 1996 la revue de physique

ROBINE J-M, Le Holisme de J. C. Smuts, 1993, http://www.cyberstation.fr/ gestalt

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